jeudi, août 17, 2006

Christelle

Bonjour,
Je ne vous connais pas mais je sens que je peux vous faire confiance. Il est 5h du matin et je viens d'achever avec une certaine avidité votre livre "Comment je me suis débarassé de moi-même". Celui-ci s'est révélé être une réponse à beaucoup de mes interrogations sur ce que je suis. Mais par dessus tout, votre livre à mis des mots sur mes maux et sur ce que je viens de vivre.

Je suis une jeune femme de 33 ans, actuellement sans emploi, je vis à S dans l'oise et je partage ma vie avec une personne depuis 7 ans. Nous n'avons pas d'enfants ensemble, lui est déjà père d'un petit garçon de 8 ans, il a 30 ans. Je ne sais pas pourquoi je vous précise ces quelques détails mais ils m'apparaissent importants pour la suite. Ma vie de couple est sans nuages, nous nous entendons bien mais nous n'avons plus de vie sexuelle depuis 3 ans...Je sais qu'il m'aime éperdument et n'imagine pas me quitter, en tous cas il ne m'en parle pas.

Pourtant j'ai ressenti le besoin il y a 2 ans 1/2 de vivre une double de vie avec un de mes collègues de travail de l'époque. Je sortais d'un viol sur la voie publique, j'avais besoin d'exister sans doute... Mais quelque part, j'ai refusé de toutes mes forces cette relation que je savais stérile et qui ne répondrai pas à mes besoins. Pourtant, je n'ai pu m'empêcher de la consommer. J'avais fini par dire que je m'installerais avec lui dès que possible.
Cette personne était devenue mon meilleur ami, mon binôme commercial.Tout allait bien ainsi et puis il est devenu mon amant dans un premier temps. Cette personne m'avait confié auparavant qu'il était malade d'une mutation génétique irrémédiable connue de tous, la myopathie. Cette maladie dégénérescente du système neurologique et musculaire. Il en existe plusieurs versions et cette personne était touchée par l'une d'elle dont la dégénérescence est très longue. Il ne portait que quelques stigmates physiques presque invisibles si on ne le savait pas. Mais cette maladie entraîne de nombreux interdits (pas d'enfants puisque transmissible, il ne restait que la FIV avec toute la lourdeur que cela incombe) mais aussi de nombreux examens toutes l'année pour lui avec l'inquiètude qui va avec, des problèmes de santé, alimentaires... J'ai 33 ans, je voulais un enfant rapidement,par voie normale. Avec le viol, je voulais un enfant de l'amour.

C'était trop pour moi, je ne me sentais pas capable de supporter tout çà, surtoutavec l'agression en amont. Mais j'en suis tombée amoureuse,passionnémént. Très vite, la maladie s'est mise entre nous, injuste, destructrice, ravageuse... l'impossibilité de fonder un foyer, le déséquilibre permanent de quelqu'un qui faisait ce qu'il pouvait avec sa maladie...mon impuissance à m'aider, à l'aider.Je suis pourtant tombée enceinte de lui en février 2006, le verdict est tombé lui aussi, assourdissant. L'enfant était porteur de la maladie. J'ai dû engager une interruption médicale de grossesse à presque 4 mois. Je dois péciser que dans cette maladie, les couples ont une chance sur 2 d'avoir un enfant sein, tout dépend du gêne transmis.

C'est pourquoi, nous avions tout de même eu de l'espoir. Dans notre histoire chaotique et déchirante, nous avions vu cet enfant comme un cadeau. Mais le sort en a décidé autrement ! Bien sûr, avant le verdict, je suis passée par de très lourds examens pour définir la génétique de mon enfant, c'est pourquoi j'ai dû attendre si loin dans ma grossesse afin d'avoir, pour les médecins, suffisamment de patrimoine génétique à étudier.
Etant donné le caractère avancée de ma grossese, j'ai du accoucher. J'ai tenu mon enfant mort dans mes bras, mon ami à côté de moi, je vous laisse imaginer l'horreur. Notre histoire n'a pas résistée et après l'incinération du foetus, nous nous sommes séparés dans l'ultra violence des coups physiques et des insultes abominables, détruits par la perte de notre enfant Evan. "M", pour ne pas citer son nom m'a battue le lendemain de l'avortement et le jour de notre séparation, j'ai aussi rendu les coups.Nous étions arrivés à ce point de déchéance tellement nous ne pouvions plus communiquer, murés dans notre culpabilité et notre douleur.
Pour l'un, c'était d'avoir transmis la maladie, pour l'autre d'y avoir cru. Ce n'était pas la première fois, notre histoire avait déjà dégénéré dans les coups, mais je mettais ça sur le compte de la maladie et de notre impossibilité à nous aimer. Lorsque nous arrivions à dépasser la maladie, nous étions biens..ou presque car très différents malgré tout.
Et puis, 4 jours après l'enterrement, une ultime dispute a eu raison de tout. Nous savions que nous étions allés trop loin et ni l'un ni l'autre n'a rappelé, usés, désespéré. C'était fini...

En dernier lieu, je dois vous dire que je n'ai jamais eu le courage de quitter mon ami de 7 ans, dévorée par la peur d'avoir à supporter la myopathie. Mon ami de 7 ans était mon refuge, ma garantie de liberté même si je ne l'ai jamais aimé avec un grand "A", il était tout pour moi, il l'est toujours, je suis bien avec lui, si étrange que cela puisse paraître. Je ne sais pas si bien si je l'ai trompé.
Avec mon amant, ce fût peine perdue car malgré la pseudo-protection que j'avais érigé, j'en suis venue à vivre ce qui me terrifiait, une grossesse inerrompue pour cause de myopathie. Pourquoi n'ai-je pas réussi à enrayer cette histoire, pourquoi suis-je toujours en décalage avec mon ami de 7 ans avec qui je suis restée car j'ai toujours réussi à tout lui cacher, même la grossesse. Pourquoi, me suis-je laissée aller dans cet engrenage.Ma seule réponse était à l'époque "je n'ai pas la force de quitter cette personne malade"...par pitié, je ne sais pas mais je ne pense pas...
Aujourd'hui, je vis le deuil d'un amour perdu et de mon enfant...c'est insuportable, presque crucifiant...Pourtant en lisant votre livre, j'ai découvert que malgré le destin, j'avais été "l'instigatrice" de ce désastre sur bien des plans...Je ne veux pas me disculper mais le viol avait déjà était tellement dur pour moi...

Je dois dire que j'en avais toujours eu conscience de cette relation toxique mais je ne pouvais m'empêcher de me sacrifier un peu plus chaque jour. Je voulais vaincre la maladie. Animée de bonnes intentions, je suis pourtant devenue extrêment violente envers "m". Je voulais l'aimer mais détruire la maladie qui l'avait en lui pour laquelle je lui en voulais. C'était complétement idiot je sais, car ce n'était pas de sa faute.

Aujourd'hui, magré la douleur, je veux vivre, vivre autrement et ne plus rentrer dans ces schémas. J'ai souhaité vous raconter mon histoire sans doute pour la déposer d'une part mais surtout parce votre livre ne sera pas suffisant et j'ai besoin d'aide. La bonne. Le deuil m'a considérablement affaiblie et je ne sais à qui me confier : psychanalyste, psychothérapeute ? Je ne veux pas me tromper de thérapie, je suis bien trop dans l'urgence. Le caractère détailliste de mon histoire me semblait important pour que vous puissiez me guider vers la bonne thérapie, D'avance un grand merci.
Très sincèrement,
Christelle